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Recensione: Anonymi, magistri artium (c. 1245-1250), Lectura in librum de anima a quodam discipulo reportata

 
 
 
Foto Guyot B.-G. , Recensione: Anonymi, magistri artium (c. 1245-1250), Lectura in librum de anima a quodam discipulo reportata , in Antonianum, 61/1 (1986) p. 186-188 .

La theologie du XIIP siecle est assez bien connue, du moins en ce qui concerne les grands maitres qui ont laisse un nom a la posterite et dont la doctrine a été propagée par des disciples. Nous sommes moins bien informés sur l'enseignement de la faculté des arts, non pas que les oeuvres de ces maîtres aient été moins nombreuses, mais beaucoup ne sont connues qu'en manuscrits et peu sont publiées. Pourtant c'est à la faculté des arts que les futurs théologiens recevaient leur première formation.

Le tome XXIV du Spicilegium Bonaventurianum apporte une docu­mentation solide sur le milieu des arts. L'édition complète du cours d'un maître es arts, vers le milieu du XIIIe siècle, sa Lectura sur un texte scolaire de base, le De anima d'Aristote, donne la possibilité d'étudier la technique de l'enseignement et la doctrine qui y est livrée. Technique très élaborée: suivant un procédé cher au Moyen-Age le maître divise d'abord le texte, puis expose la lettre « expositio littere » et en dégage la Sententia. Viennent alors les Questiones plus personnelles, qui se greffent sur tel ou tel point de la lettre. Sententia et Questiones sont les parties importantes du cours. (On saura gré à l'éditeur, dans l'impossibilité de préparer un index complet des matières, d'avoir donné, à la fin du volume, la table de ces « lectiones et questiones »).

Ce cours nous est parvenu sous la forme d'une reportation fidèle qui a conservé la spontanéité de l'oeuvre parlée, avec ses explications souvent élémentaires, sa liberté de construction, les exemples tirés de la vie quotidienne, avec aussi quelques rares interventions d'un reporta-teur ni passif ni sot, interventions d'ailleurs faciles à repérer. Bref un ouvrage encore très vivant.

Le texte ici édité est celui du manuscrit, Roma, Naz. Vitt. Eman. 828, oeuvre d'un scribe italien au XIVe siècle, qui a eu en mains une copie très proche de l'original parisien du milieu du XIIIe siècle. L'édition garde scrupuleusement l'orthographe de l'époque, sauf un certain nombre de graphies particulières à l'Italie du Nord.

Il était nécessaire pour comprendre le commentaire, d'avoir sous les yeux le texte d'Aristote utilisé. Le P. Gauthier en a établi un texte, le plus proche possible de celui qu'a lu le maître, texte d'un des « dété­riores » de la Vêtus du milieu du XIIIe siècle.

Si le lieu où fut enseigné ce cours est incertain, la date est assez bien précisée par les connaissances du maître (Philippe le Chancelier, Jean de la Rochelle, saint Albert) et par ses ignorances (il n'a eu accès ni à l'oeuvre du Guillaume de Moerbeke ni à la Translation de l'Ethique de Grosseteste). Il y a donc de sérieuses raisons pour le situer aux environs de 1246-1247.

L'édition actuelle, avec son apparat des sources, permettra de dégager les éléments de la doctrine ainsi livrée aux jeunes artiens, tant les idées personnelles qui y sont développées, que les nombreux thèmes reflétant l'enseignement courant. La tendance générale qui en ressort est que « ce maître es arts a lu le traité de l'âme d'Aristote avec les yeux des théologiens de son temps. Son Aristote est un Aristote chrétien ».

Maître es arts donc au milieu du XIIIe siècle, il aurait pu avoir parmi ses disciples un Thomas d'Aquin, dont le P. Gauthier vient d'éditer le Commentaire sur le De anima (Ed. Leonina, t.45,1). En tout cas saint Thomas avait été formé sur la base d'un enseignement semblable. Le P. Gauthier termine donc la très dense préface de ce volume par les lignes suivantes qu'on nous permettra de citer et qui ne manqueront pas de retenir l'attention: « Notre Lectura jette une lumière nouvelle sur l'histoire de l'Aristotélisme. On a cru ... que saint Thomas ... s'est trouvé en face d'un Aristote brut, ... d'un Aristote païen dont il a corrigé le "matérialisme" ... La tâche historique de saint Thomas n'a donc pas été de christianiser Aristote. C'était fait, bien fait, trop bien fait même. La tâche historique de saint Thomas a donc été bien plutôt, autant que faire se pouvait ... de rendre à la philosophie d'Aristote sa pureté et, surtout, de prendre comme instrument de la réflexion théologique ... cet Aristote enfin retrouvé ».



 
 
 
 
 
 
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