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VIIème journée d’étude sur l’Observance franciscaine au feminine Sainte Colette de Corbie Assise, 17 novembre 2012

 
 
 
Foto Chaumont Thérèse Myriam , VIIème journée d’étude sur l’Observance franciscaine au feminine Sainte Colette de Corbie Assise, 17 novembre 2012, in Antonianum, 88/1 (2013) p. 196-201 .

Le 17 novembre 2012, s’est deroulee au Monastere Sainte-Colette d’Assise la VIIeme journee d’etude sur l’Observance franciscaine au feminin organisee par le Monastere Sainte-Colette d’Assise avec la collaboration de la Scuola Superiore di Studi Medievali e Francescani della Pontifi cia Università Antonianum de Rome et du Monastere Santa Lucia de Foligno. Cette annee, il avait ete propose d’elargir la refl exion en jetant un regard sur la reforme franciscaine dans la terre francaise du XVeme siecle, et la journee etait consacree, en particulier, aux vicissitudes culturelles et historiques et spirituelles autour de sainte Colette de Corbie, en comparaison avec ce qui est advenu dans la peninsule italienne pour le mouvement des Clarisses de l’Observance.

Quelques semaines auparavant, le Professeur Andre Vauchez avait accepte de se rendre au monastere Sainte-Colette a Assise et au monastere de Monteluce in S. Erminio a Perouse, pour faire une premiere presentation de sainte Colette en dressant un tableau du contexte historique dans lequel celle-ci s’est inseree. Colette, a-t-il releve, vit une periode terrible dans une France marquee par la guerre de Cent Ans, et ou la peste a decime la population ; dans le meme temps, l’Italie, divisee en de nombreuses principautes qui parfois se combattent, vit toutefois dans une plus grande tranquillitè. D’un point de vue culturel, l’Italie commence a s’ouvrir a la Renaissance, est infl uencee par les Ordres mendiants et a une spiritualite plus mystique, tandis que la France est encore davantage infl uencee par la spiritualite cistercienne et ascetique. D’un point de vue ecclesial, le schisme d’Occident conduit a des confl its d’autoritè : la France — et Colette — se refere au pape d’Avignon, alors que l’Italie, et donc les freres observants, se referent au pape de Rome. Colette, tout comme ses collaborateurs, a ete attentive a l’unite du mouvement franciscain, elle a cherche a ne pas creer une nouvelle dechirure, d’ou sa reserve vis-a-vis de l’Observance italienne. Colette a eu une tenacite extraordinaire et a fait preuve d’une grande diplomatie ; elle a opere dans un contexte extremement diffi cile, et elle a su, d’une part, s’appuyer sur un franciscain, le frere Henry de la Baume et, d’autre part, trouver le soutien des grands de ce monde pour ses fondations. L’originalite de Colette a ete d’avoir voulu retablir la pauvrete dans les monasteres, avec la Regle de sainte Claire.

En ouvrant la journee d’etude du 17 novembre dernier, p. Pietro Messa a note l’importance et le merite de consacrer du temps et des energies a la culture et a l’histoire, dans cette epoque de crise, non seulement economique, mais de profonde ignorance. Il a rappele en cela les paroles du cardinal Jean-Louis Tauran : aujourd’hui, nous vivons un aff rontement non pas tant de civilisations, mais d’ignorances.

Dans son intervention intitulee Freres Mineurs et Clarisses dans la France des XIVeme et XVeme siecles, le Professeur Ludovic Viallet a rappele des le debut que la vie franciscaine du XVeme siecle est tres complexe. Il a divise son intervention en trois points : 1. qu’est-ce que ≪ l’observance ≫ ? 2. le ≪ pouvoir informel ≫ des mystiques, 3. les ≪ Coletans ≫. L’observance n’est pas propre au franciscanisme. Dans cette periode de crise et de rivalite surtout entre Rome et Avignon, il y a deux obediences, non seulement dans l’Eglise, mais aussi parmi les freres Precheurs et les Mineurs. C’est la periode de Jean Hus et des Hussites : il y a donc un fort appel a la conversion. Heresie et orthodoxie s’affrontent et il est important de se rappeler que Martin Luther lui-meme sera un observant, tout comme Girolamo Savonarola. Les Observants des Mineurs obtiennent une autonomie, tandis que les freres Precheurs n’en arrivent jamais a la rupture. L’observance requiert un plus grand respect des normes primitives.

Ce n’est pas un mouvement unique, mais une realite complexe. Ludovic Viallet a distingue trois typologies dans le monde des Mineurs : celle dite des Conventuels ; l’Observance institutionnelle, cismontaine et ultramontaine ; la ≪ voie moyenne ≫ qui demeure sous la juridiction des ministres. Il a ensuite rappele quelques dates importantes, entre la nomination de Paoluccio Trinci (ou Paoluccio de Foligno) comme commissaire par le ministre general de l’obedience romaine, avec une autorite sur dix-huit ermitages (1388-1390), et la canonization de Bernardin de Sienne en 1450, qui apporta une legitimation essentielle a l’Observance institutionnelle, en passant par la cession, par le concile de Constance, en 1415, d’une hierarchie propre aux Observants des provinces de Touraine, France et Bourgogne. Les Observants italiens se caracterisent par la fidelite au pape, tandis que dans d’autres territoires, comme en Allemagne, il y a une critique tres forte de la curie papale. En ce qui concerne le pouvoir informel, le Professeur a evoque par exemple la prise de parole charismatique de Bernardin de Sienne et Jean de Capistran, a l’origine des ≪ Bernardins ≫ (Franciscains observants) en Europe centre-orientale : on est fidele a une image du fondateur ou de la fondatrice, et a l’ensemble des valeurs que l’on raccroche a la figure fondatrice. Il est significatif que Colette ait ete consideree en France comme ≪ notre mere ≫, tout comme Francois etait appele a cette epoque par le titre de ≪ notre pere ≫. Chez Colette, on trouve la force du modele que re presente une sainte vivante. Mais Colette, a la difference des beguines et mystiques feminines qui seront condamnees en grand nombre a l’epoque du concile de Bale comme visionnaires ou appartenant au monde de la magie, ne prophetise pas sur les affaires du monde. On ne trouve pas chez elle d’exces de surnaturel dans les phenomenes physiques du mysticisme. Enfin, les Coletans sont cette via media qui est mieux percue et soutenue par les autorites locales que semblable a celle de Jean de Capistran. En concluant, Ludovic Viallet a souligne que Colette a ete une femme forte, intelligente, pragmatique.

Soeur Marie Colette Roussey a ensuite presente la biographie et la spiritualitè de Colette de Corbie, en se referant continuellement aux sources : les biographies de sainte Colette ecrites par Pierre de Vaux et par Sr Perrine, les Constitutions de sainte Colette, les Sentiments, les Lettres, le Testament...

Colette est nee en 1381 a Corbie en Picardie, dans une periode caracterisee concretement par les guerres continuelles, la famine, la peste, les violences.

Colette aime la solitude et la liturgie des son jeune age. Recluse, elle se sent appelee par saint Francois a s’engager dans une oeuvre de reforme. Elle obtient un exemplaire de la Regle de sainte Claire et fonde de nombreux monasteres auxquels elle ecrira et donnera des Constitutions, afi n que la regle de Claire soit mieux observee, avec un accent fort mis sur la cloture et la vie fraternelle.

La spiritualite de Colette se focalise sur la Croix du Christ, en un amour qui accepte de s’unir a l’off rande du Sauveur dans sa dimension reparatrice. Colette canalise les elans de l’amour dans l’observance concrete des ordonnances ; l’obeissance de chacune des soeurs fonde la communaute et l’oriente vers un unique objectif : la liturgie qui est la priere de l’Eglise, et l’Eucharistie. Dans sa mission d’abbesse et de reformatrice, comme dans sa vie spirituelle, Colette se revele une femme d’une grande sagesse.

Soeur Monica Benedetta Umiker ainsi que Soeur Th erese Myriam Chaumont ont ensuite etudie les diff erences et continuites des deux experiences de reforme franciscaine du XVeme siecle : celle de sainte Colette de Corbie et du mouvement ne d’elle, et celle de l’Observance franciscaine dans la peninsule italienne. Les diff erences semblent dependre surtout de facteurs externes, historiques, culturels, ou dus a la personnalitè et a la mentalitè des protagonistes.

En ce qui concerne le contenu, les deux experiences recherchent une observance spirituelle et veritable de la vie evangelique vecue et proposee par sainte Claire. Enfi n, il fut partage un premier essai de confrontation a partir des teste legislatifs respectifs, qui semblent avoir ete en contact a travers la personne de saint Jean de Capistran : ce dernier a utilise les Constitutions de Colette dans son Explication de la regle de Sainte Claire, et cette Explication, bien qu’ecrite en reponse a une demande personnelle venant de Monatova, s’est diff usee parmi les monasteres italiens et autres. Jean de Capistran avait aussi des contacts avec Monteluce, et les Ordinazioni di Monteluce ont de nombreux elements communs avec les Constitutions de Sainte Colette.

En conclusion, partant du travail de synopse des trois textes legislatifs a peine expose par Sr Monica Benedetta Umiker et Sr Th erese Myriam Chaumont, p. Giuseppe Buffon a note que, s’il y a un risque au ≪ comparatisme ≫, l’histoire comparee peut aussi rendre compte et honorer la complexite de la realitè. Le fait qu’il y ait eu une ≪ contamination ≫ des diff erentes experiences d’observances franciscaines feminines par l’intermediaire de Jean de Capistran montre que la complexite du reel s’avere etre plus que pluri-forme, et que, tout en etant contradictoire, elle peut porter en elle une continuite qui contient une uniformitè. D’autre part, la recherche d’autonomie, caracteristique des mouve-ments de reforme, qu’a evoquee Ludovic Viallet, peut etre consideree comme un theme de continuite. Fondamentalement, les Capucins sont ceux qui realiseront pleinement cette forme d’autonomie, ce qui sera decisif dans leur succes.

Plus qu’une intuition alternative par rapport aux origines, il y a plutot une sorte d’efficacite juridique, d’une conquete d’autonomie restant dans l’unite, qui caracterise les reformes du XVIeme siecle, et peut-etre egalement du XVeme. Enfin, la construction de limage est quelque chose de surprenant. L’image par excellence de cette periode est celle de la fondatrice, ou du fondateur. C’est l’Observance qui a construit l’idee de ≪ Claire fondatrice ≫ : auparavant, la fondatrice n’etait pas percue de facon aussi decisive. La recherche d’une legitimation pour ces fondateurs part justement de la vision. Or il a ete dit que la mission de Colette commence par une vision de Francois, qui la legitime comme fondatrice.

Mais si Colette est fondatrice, quelle sorte de fondatrice est-elle ? Elle est fondatrice, car elle a eu une vision, mais non dans le sens extatique du terme, c’est une vision moderee, et voila pourquoi Colette n’est pas condamnee, mais est recue a l’interieur de l’orthodoxie. Colette est fondatrice, car elle est egalement ecrivain : elle ecrit le texte des Constitutions. C’est une fondatrice particuliere, car elle est fille d’artisan, elle n’est pas noble. Mais, comme l’a dit Sr Marie Colette Roussey, elle fonde grace aux nobles ; et les premieres communautes trouveront refuge dans des chateaux. Le theme du chateau revient d’ailleurs dans les ecrits de Colette pour parler de la sponsalite et de la cloture. Colette est fondatrice, car elle ne reforme pas, mais fonde et est ≪ mere ≫. Elle ne veut pas etre fondatrice et innovatrice, mais ce sont ses biographes qui la veulent et la decrivent ainsi, avec des experiences visionnaires. C’est donc une ≪ voie moyenne ≫, dans le sens ou il y a beaucoup de voies moyennes : c’est le signe de la complexite. Il n’y a pas un element completement positif, ou completement negatif, un element completement noir ou completement blanc : il y a des gris en grand nombre. L’exception de la contamination par l’intermediaire de Jean de Capistran fait echouer toutes nos tentatives de distinctions et de separations, qui pourtant existent, car jamais la France ne parvient a s’inserer pleinement dans la gestion de l’Ordre !

Divers intervenants ont exprime le desir que, de meme que furent publiees les sources franciscaines, et bientot les sources clariennes, il pourrait etre programme d’editer egalement les sources colettines. Les interventions de la journee seront publiees en italien, dans un volume qui leur sera consacre.



 
 
 
 
 
 
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